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Ady's world
31 juillet 2013

Tu me fais un bisou ?

RATING : PG-13

Le réveil sonne depuis plus de deux minutes, mais je n'ai pas envie de me lever. Qui aurait envie de sortir de son lit pour une nouvelle journée en enfer ? Je remonte la couverture par-dessus la tête, comme pour m'échapper de ce monde... Mais la réalité revient littéralement cogner à ma porte à travers les coups pressés de ma mère.

 - Lève-toi Marion !

Je grommelle depuis le fond de mon lit, mais docile, finis par m'exécuter. À peine ai-je franchi le seuil de ma chambre que ma petite sœur de cinq ans se jette dans mes jambes, s'y accrochant de toutes ses forces en criant :

 - Je t'aime ! Je t'aime !

- Oh lâche-moi Maelys, dis-je de mon air grognon du matin.

Elle s'éloigne de moi, boudeuse… Faut bien que je lui apprenne que le monde n'est pas si drôle qu'on peut le croire au départ !

 Ma mère s'affaire dans la cuisine.

 - Je te fais chauffer du lait, ma puce ?

Putain, j'ai quinze ans ! Faut vraiment qu'elle arrête de m'appeler comme ça ! Mais bon, je laisse couler pour cette fois, sinon ça va encore partir en vrille.

 - Non, je vais juste prendre un verre de jus d'orange.

- Faut que tu manges Marion !

- Ouais, parce que je sais pas qui c'est qui me mangera ! Tu me l'as fait cent fois maman.

- Je plaisante pas…

- C'est bon, je mangerais à dix heures, t'en fais pas.

- Promis ?

- Ouais, promis.

Ma mère est complètement obnubilée par mon poids, elle pense que je suis anorexique, mais c'est pas vrai, c'est juste que j'ai pas tellement faim. Surtout le matin, ça me donne envie de vomir. Et le dimanche soir aussi, là c'est pire, surtout quand je vois mes parents se goinfrer. C'est franchement la belle vie pour eux, ils ne doivent pas savoir ce que c'est que d'avoir des soucis. Vivement que je bosse, tiens !

Après que je me sois lavée et habillée, je trouve Maelys avec son cartable à roulettes qui m'attend près de la porte d'entrée. Il faut que je l'accompagne parce que son école est située juste à côté de mon collège. Franchement, je me garderais bien de cette corvée. Enfin je m'en fous, je ne lui donne plus la main, c'est fini ça…

Il y a Nelly sur le trottoir d'en face mais ça va, elle est toute seule alors elle me dit rien. Ça lui sert à rien de m'agresser quand elle n'a pas de public pour la mettre en valeur. Elle porte une petite jupe avec des collants noirs aujourd'hui, mais j'évite de trop poser mes yeux sur elle sinon ça va encore se retourner contre moi. En même temps, quoi que je fasse, ça me revient toujours dans la gueule…

 - Tu me fais un bisou ? demande ma chipie de sœur alors que nous sommes arrivées devant le portail de son école.

Je jette un œil discret et je vois que Nelly a certainement entendu. Merde !

 - Ta gueule ! dis-je à Maelys avant de la pousser à franchir l'entrée de son école.

- Je te déteste ! me crie-t-elle en s'éloignant.

C'est bon, j'ai l'habitude. Je reprends mon chemin. Nelly a traversé la route et se trouve maintenant quelques mètres devant moi, ça me donne l'occasion de la reluquer un peu en toute tranquillité. Pfff, faut que j'arrête ça, elles ont raison, je ne suis qu'un monstre.

Je retrouve Mounia dans la cour, à notre endroit habituel. Elle fait toute chétive quand je la vois. Elle me donne toujours l'impression qu'un simple coup de vent pourrait la faire s'envoler. Cela vient peut-être de son regard, il semble emprunt de tellement de faiblesse. Des fois, j'ai envie de la secouer pour la faire réagir et la rendre plus forte ! Mais bon, je la comprends.

Elle est ma meilleure amie, mais le mot me semble un peu fort en fait puisqu'on se voit jamais en dehors du bahut. Ça ressemble davantage à une amitié de circonstance, la circonstance étant le rejet des autres. Nous sommes ensemble pour ne pas être seules quoi ! Je sais c'est pathétique, mais je vous emmerde !!! Si vous vous croyez plus malin avec vos pseudos-amitiés pour la vie alors que vous faites tout ça par simple égoïsme et besoin d'être davantage aimer que votre voisin !

 - T'as fait les exos de math ? me demande Mounia.

- Non, j'ai rien pigé.

- Moi non plus et c'est mon tour de passer au tableau.

- Ah oui, merde c'est vrai !

Je la vois qui tremble légèrement. Faut dire que Mounia, c'est une élève super sérieuse qui essaye de toujours bien faire, mais elle a pas tellement de facilités alors elle galère. Des fois j'ai presque honte d'avoir des meilleures notes qu'elle alors que je travaille beaucoup moins.

La sonnerie annonçant le début des cours retentit et chacun se dirige vers sa salle de classe. Le prof de math n'est pas encore arrivé. Je déteste ce moment où toute la classe est réunie sans adulte pour surveiller.

- Tu me fais un bisou, Marion ?

La voix vient de derrière moi et je n'ai aucun mal à reconnaître l'intonation merdeuse de Nelly. Putain, elle fait vraiment chier Maelys, je savais que ça allait encore me retomber dessus cette histoire ! Après le coup du "main dans la main", voici le coup du "bisou"… Je ne réponds rien, priant intérieurement pour que le prof rentre maintenant dans la salle ! Mais comme d'habitude, ce connard n'exauce pas mon vœu...

- Et alors, tu lui as bien appris à sucer à ta dévouée sœurette ? ajoute Nelly.

Toute la classe se met à rire, mais qu'y-a-t-il de drôle ?

- Oh c'est immonde ! dit Romuald.

Non, ne croyez pas qu'il prenne ma défense, c'est sa façon à lui d'en rajouter une couche. Je vois alors Pauline s'approcher de moi et se pencher sur ma table, comme pour me faire une confidence :

- C'est vrai que tu couches avec ta sœur ?

J'ai envie de la frapper, d'écraser sa tête contre la table, mais je me retiens. Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs… Du coin de l'œil, je vois Clara en train de rire. Pfff, quelle bande de cons ! "Je suis lesbienne, pas pédophile, merde !" ai-je envie de leur crier, mais je sais que de tels mots vont encore les faire davantage réagir. Je préfère les ignorer.

- Elle suce mieux ou moins bien que Mounia ?

Non, je déteste quand ils s'en prennent à Mounia, je crois que c'est ce qui me fait le plus mal car alors je me sens hyper coupable. Elle s'en prend plein la gueule à cause de moi et de mes pensées déviantes. Quand ça ne touche que moi, à la limite j'assume ma monstruosité, mais Mounia, elle n'a rien fait, elle ! Elle est juste pauvre et c'est sans doute un critère de rejet suffisant pour eux. En même temps, avant ma disgrâce, je ne m'étais pas tellement intéressée à elle moi non plus... C'est sans doute pour ça que je me sens encore plus coupable... Quelle connerie vraiment que cette vie !

Heureusement, le prof arrive enfin, mettant un terme à ce terrible calvaire matinal. Je dois bien être la seule avec Mounia à me réjouir de son arrivée ! Non, même pas Mounia, elle a pas réussi ses exos et doit passer au tableau, alors elle panique sans doute à mort. Merde, j'aurais dû essayer de les faire, peut-être que je les aurais réussis et ainsi pu lui passer mon cahier. Mais c'est un peu tard maintenant pour avoir ces bonnes intentions.

- C'est à qui d'aller au tableau ? demande le prof.

Mounia lève timidement la main avant de bredouiller qu'elle n'a pas réussi à faire l'exercice.

- Tu as essayé au moins ?

Je déteste son ton agressif ! Il est aveugle ou quoi, il voit pas que Mounia est une élève sérieuse ? Non, il est comme les autres, il voit rien… J'en entends qui ricanent derrière nous.

- Bon allez, on va le faire ensemble alors, finit-il par dire de son air toujours agacé.

Mounia se lève, mais dans un état de stress si grand qu'elle s'accroche dans le pied de la table et manque de tomber par terre. Toute la classe éclate de rire ! Merde, pourquoi faut-il qu'elle soit toujours aussi maladroite, aussi empotée ! Elle m'aide franchement pas !

- Mounia, tu n'es pas ici pour faire la clown devant la classe, croit bon d'ajouter le prof.

Ah ah ah, qu'est-ce qu'il est drôle vraiment, je l'adore… Connard !

La correction de l'exercice se révèle très fastidieuse, Mounia est complètement larguée. Pauline intervient à tout bout de champ pour éclairer la classe de son intelligence. Elle joue à la petite fille modèle comme elle sait si bien le faire. Si moi je faisais ça, je me ferais descendre et traiter de lèche-cul.

Mounia reste au tableau pendant les deux heures que dure le cours ! Je vois bien que c'est un vrai calvaire pour elle. Parfois, quand elle sourit, elle peut être vraiment belle mais là, seule devant la classe, rien n'illumine son visage, elle ressemble juste à une petite fille craintive qui fait pitié. Elle est tellement gauche, tellement peu sûre d'elle. Finalement, elle est vraiment une énigme, même pour moi. Je passe mon temps au collège avec elle et pourtant je la connais super mal. Que pense-t-elle de moi d'ailleurs ? On s'est rapprochées presque malgré nous, il nous fallait bien une voisine de table… Peut-être qu’elle me déteste intérieurement, car sa réputation déjà peu flatteuse a encore chuté d'un cran en me fréquentant ! Ou peut-être qu'elle est contente d'avoir quand même quelqu'un pour partager sa solitude, je sais pas…

La sonnerie pour annoncer la fin du cours retentit et tout le monde se précipite dehors. Le prof demande à Mounia de rester et je sors seule dans la cour. J'hésite à me diriger vers la cantine pour manger un petit bout de pain comme je l'ai promis à ma mère… non, je n'ai toujours pas faim… J'attends Mounia devant la salle et elle finit bientôt par sortir, le visage baissé.

 - Alors qu'est-ce qu'il voulait ? demandé-je.

- Il m'a dit que je devais bien être attentive en cours et apprendre mes leçons régulièrement.

- Quel con ! fais-je.

 Mais Mounia se mure dans le silence, elle n'a pas l'habitude de dire du mal et d'employer des gros mots. Elle garde tout à l'intérieur je pense, elle est encore pire que moi de ce point de vue-là.

 On va à nos casiers récupérer les livres pour le prochain cours. Je vois alors que le mien a été forcé. Autour de moi, quelques élèves de la classe traînent dans le coin… Je sens le mauvais coup, mais faut bien que je récupère mes affaires. J'ouvre la porte et de l'autre côté, découvre inscrit en lettres capitales : "MORT AUX GOUINES".

 Quel est le connard qui a écrit ça ? Sans doute un de ceux en train de glousser dans mon dos... Mais que dois-je faire ? Aller voir le directeur ? Lui-aussi va me voir comme un monstre, j'en suis sûre ! J'en ai tellement marre de tout ça, ils peuvent pas aller emmerder quelqu'un d'autre ? Cette pensée est sûrement très égoïste mais tant pis, j'assume. J'ai déjà eu ma dose de mon côté !

 Je fais comme si de rien n'était et rejoins la salle d'anglais. Je sens quelques larmes perler au coin des yeux.

 *****

C'était il y a un peu plus d'un an. Un mercredi après-midi. J'étais chez Clara, comme souvent à l'époque. C'est là que j'ai commis la plus grosse erreur de toute ma vie. Je me sentais en confiance et ça a été ma perte. J'avais pourtant hésité, comme si je savais que j'allais faire une bêtise, mais n'ai pas eu l'intelligence de m'arrêter à temps.

Clara me parlait de Samuel qui la faisait "complètement craquer" et puis tout à coup, elle m'a demandé :

- Et toi ? Tu flashes sur qui ? T'en parles jamais !

C’était pas la première fois qu'elle me posait cette question et comme d'habitude, j'essayai de l'éviter en répondant, de façon certes un peu débile, que j'avais le temps de penser à tout ça plus tard. Comme j'étais née en fin de l'année, je jouais sur ce décalage pour montrer que j'étais plus jeune et donc moins préoccupée par les sentiments, le sexe et tout ça… Même si ça n'était pas vrai…

Et puis, elle avait alors ajouté d'une voix douce et compréhensive :

- Mais peut-être que tu n'aimes pas les garçons ?

Ces mots étaient presque chuchotés, comme glissés avec délicatesse jusqu'à moi. Je crois que j'ai rougi, mais je voulais pas me démonter : il fallait que je la renvoie direct sur les roses de peur de me trahir. Mais en même temps, n'était-ce pas l'occasion que j'attendais ? Clara m'ouvrait la voie pour m'aider à m'assumer, c'était mon amie, elle avait compris. Pourtant j'hésitai encore ; elle m'adressa alors un sourire qui fit fondre mes dernières réticences.

J'acquiesçai de la tête et ajoutai, dans un souffle :

- Nelly me fait pas mal craquer...

Nelly était la pimbêche de la classe, le genre que j'avais du mal à supporter et pourtant, au fond de moi, je brûlais de désir pour elle, les traits de son visage étaient si purs. Elle était belle tout simplement.

Je vis que Clara était un peu gênée de ma confession, mais je comprenais… Même si elle s'en était un peu doutée, ça pouvait être assez surprenant pour elle. Je quittai sa maison peu après et dès le lendemain, l'enfer commençait pour moi.

Je me sentais encore un peu retournée de mes aveux à Clara et en même temps soulagée qu'elle sache enfin la vérité. Cela enlevait un terrible poids de mes épaules ! J'allais la rejoindre dans la cour quand je vis Nelly venir à ma rencontre, quelques unes de ses copines derrière elle.

- Il paraît que tu mouilles pour moi, Gwynie ! dit-elle dans un grand éclat de rire.

J'eus l'impression que le monde s'écroulait autour de moi. Mais pourquoi m'appelait-elle Gwynie ? De là devait venir une confusion, c'était pas possible autrement ! Puis je réalisai soudain que j'avais mal interprété ce "surnom" dans ma tête ! Ce n'était pas Gwynie, mais Gouinie !! Et avec cette orthographe,  plus d'équivoque possible…

Je regardais autour de moi et mon regard capta celui de Clara, un peu plus loin. Ses yeux fuirent les miens et je compris qu'elle m'avait trahie. Comment avait-elle pu me faire ça ?

Puis je vis Nelly s'approcher plus près de moi, son visage presque collé au mien :

- Je t'interdis de fantasmer sur moi, t'entends ? me cria-t-elle. Salope !

Je perdis le contrôle devant cette insulte et lui adressai une gifle ! Elle parut surprise par cette riposte, mais comme on peut s'en douter, cela ne la calma absolument pas, au contraire…

- Ça, tu vas le regretter ! éructa-t-elle.

Pourtant, à mon grand étonnement, elle s'éloigna aussitôt. Je me retrouvai comme une conne, au milieu de la cour, sans savoir vers qui me tourner. Je me décidai pourtant à aller voir Clara.

- Je veux plus te parler, erreur de la nature ! me balança-t-elle alors que je me rapprochais d'elle.

Elle tourna aussitôt les talons.

- Pourquoi ? lui criai-je, mais elle ne répondit pas. Pourquoi tu as fait ça ? ajoutai-je tout bas…

Le soir même, à la sortie du collège, Nelly et ses potes me frappèrent pour la première fois. Il pleuvait, je m'en souviens très bien. Faut dire que j'ai quelques raisons de m'en rappeler. Je m'apprêtais à aller chercher Maelys et m'étais mise à courir afin d'éviter de trop me mouiller. Je ne les avais pas vus, mais eux ne me loupèrent pas. Une jambe se plaça devant les miennes et me saisit en pleine course : je m'affalai de tout mon long contre l'asphalte trempée.

Je me relevai, croyant que la personne allait s'excuser, mais me rendis vite compte qu'il s'agissait de Nelly, accompagnée d'un gars et d'une fille. Ils riaient. Je crus que ça allait être tout, qu'ils allaient me laisser tranquille maintenant, mais le mec m'empoigna par le bras et me traîna dans un endroit isolé derrière le gymnase. Je me sentais incapable de réagir tandis que des larmes s'échappaient de mes yeux. Qu'allaient-ils me faire ?

- Alors tu te touches en pensant à moi ? me lança Nelly en pleine gueule.

- Réponds ! gueula l'autre fille voyant que je gardai le silence.

- Non… tentai-je de dire.

- Et en plus d'être un monstre, c'est une menteuse ! fit-elle.

- Tu sais que c'est immonde d'avoir ce genre de pensées ? ajouta Nelly d'un air supérieur de dégoût. Ça tourne vraiment pas rond chez toi, hein ? Tu veux qu'on le dise à ta mère ? Non, tu le veux pas hein ? Et tu sais pourquoi : parce que tu sais que c'est pas normal d'avoir ce genre de pensées !

Je ne pouvais plus retenir mes larmes.

 - Vas-y, cogne-là, faut faire sortir le démon qui la possède ! ajouta-t-elle.

Le gars se plaça face à moi et sans une once d'hésitation, il me lança à deux reprises son poing dans le ventre en guise d'exorcisme, puis me quittèrent sans un mot alors que je me tordais de douleur, accroupie dans la rue.

La pluie se mélangeait à mes pleurs.

*****

Suis-je une erreur de la nature ? J'en sais plus rien. Je ne connais personne d'autre comme moi en fait, c'est donc bien possible. Il devrait y avoir un truc à la naissance pour détecter les monstres comme moi et les tuer… Ça éviterait à quiconque de vivre l'enfer qui est le mien !

J'en peux franchement plus. Je comprends d'ailleurs pas comment ça se fait que je sois encore vivante. J'ai tellement envie d'en finir avec tout ça... En fait, j'ai l'espoir au fond de moi que tout se terminera l'année prochaine quand je rentrerai au lycée ; je ne commettrai plus les mêmes erreurs et tout ira mieux ainsi. Mais c'est débile, c'est sûr qu'il y aura d'autres élèves du collège qui intègreront le même établissement que moi et ma réputation me suivra. J'aurai toujours la même étiquette de paria ! Et puis y’aura même plus Mounia, vu qu'ils l'orientent vers un CAP/BEP.

Je pourrais demander à mes parents d'intégrer un autre lycée loin d'ici, mais ils ne comprendraient pas pourquoi ; comment pourrais-je leur expliquer la situation ? Ils seraient horrifiés eux aussi, c'est certain !

*****

Alors que les cours de la journée se terminent, je vois bien que Mounia a envie de me dire quelque chose, mais sa timidité naturelle la bloque. Je m'arrête, me tourne vers elle et lui souris. Je commence quand même à la connaître un peu et je sais qu'il faut la mettre en confiance pour qu'elle ose enfin parler.

- Est... Est-ce que ça te dirait de... de venir chez moi ce soir ?

Je suis assez stupéfaite de son invitation. C'est vrai, notre espèce d'amitié basée sur rien du tout s'est faite sans qu'on se dise rien, et de la même façon, j'avais l'impression que ne pas se voir en dehors du bahut était aussi une règle implicite. Mounia veut donc me voir en dehors du collège ? J'en reviens pas !

- Oh, mais faut que je garde ma petite sœur !

- Tu pourras l'amener chez moi, y a pas de souci.

- Tu veux me montrer quelque chose de particulier ?

Je me demande bien le pourquoi de cette invitation.

- Non... c'est... c'est juste que ça pourrait être sympa...

En me disant cela, son visage s'illumine enfin d'un de ces sourires dont elle se montre si avare et qui le rendent pourtant magnifique. Je finis par acquiescer à son invitation et nous allons ensemble chercher ma petite sœur. Celle-ci me saute dans les bras. Elle a déjà oublié sa rancune de ce matin. Si tout le monde pouvait être comme elle, la vie serait bien meilleure !

- C'est qui ? demande-t-elle en désignant Mounia.

- C'est ma copine, on va passer la soirée chez elle, ok ?

- D'accord.

J'envoie un SMS à ma mère pour lui dire où nous allons et nous partons en direction de l'appartement où réside Mounia. Cette dernière a accepté de tenir la main de Maelys et je souris intérieurement de les voir ainsi. Elle connaît les vannes pourries qu'on m'avait adressées après que Nelly m'avait vue le faire, mais soit elle a complètement oublié, soit elle s'en moque totalement. Elle a bien raison : on emmerde le monde (mais faut dire qu'il nous le rend bien...) !

On ne croise finalement personne du bahut et on rejoint le petit appartement qu'occupent Mounia et sa famille. Ça me fait presque bizarre de la voir ainsi ; c'était comme si j'avais toujours eu l'impression qu'elle n'existait que le temps du lycée, comme si elle n'avait pas eu d'existence propre en dehors de ça.

À peine rentrée, elle disparait dans sa chambre et en ressort avec quelques uns de ses jouets de gamine. Maelys explose de joie !

- C'est sympa ! dis-je.

Mounia se contente de baisser la tête, signe de sa modestie. Je me rends compte que j'ai dû être assez conne ! Je la fréquente depuis presque un an et j'ai l'impression que je n'ai jamais cherché à la connaître. Je me suis servie d'elle sans rien lui rendre en retour. Je suis bel et bien monstrueuse. Bien sûr qu'elle attendait davantage ! Une vraie amitié… qu'est-ce que je suis conne...

Pendant que Maelys découvre ces nouveaux jouets, on s'installe sur la table de la pièce principale et attaquons nos devoirs. Je l'aide sur l'exercice de physique et parviens à lui expliquer un truc qu'elle n'arrivait pas à piger. J'en ressens une certaine fierté, comme si j'étais plus douée que le prof pour expliquer les choses !

Et puis, au bout d'un moment, Mounia me sort cette phrase tellement improbable dans sa bouche :

- Tu sais... ça m'a jamais dérangée que tu sois homo...

Pourquoi me dit-elle ça tout à coup ? J'en reste totalement scotchée. Que suis-je censée répondre ?

- Je me doute que c'est dur à vivre pour toi… mais tu sais, c'est eux les imbéciles ! ajoute-t-elle.

C'est la première fois que je l'entends critiquer la meute ! Et j'en reviens pas à quel point ses paroles me font du bien. Cela peut paraître ridicule, c'est pas grand chose et pourtant, j’ai impression de ne plus être seule après tout ce temps à errer désespérément.

Merci Mounia !

FIN

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